Michel Lermontov 1814-1841
L’Ondine
© John William Waterhouse Ondine |
Une ondine nageait
au fil d'une rivière
Scintillant de clarté lunaire,
Et tentait de lancer à la lune d'argent
L'écume légère en jouant.
Scintillant de clarté lunaire,
Et tentait de lancer à la lune d'argent
L'écume légère en jouant.
Le courant
emportait comme un flottant mirage
Les reflets mouvants des nuages ;
Et l'ondine chantait, et les mots de son chant
Volaient sur les rocs dans le vent.
Les reflets mouvants des nuages ;
Et l'ondine chantait, et les mots de son chant
Volaient sur les rocs dans le vent.
Elle disait :
«Là-bas, sur nos plages profondes,
Le soleil pénètre les ondes,
Et glissent les poissons en troupeau fluvial
Parmi des villes de cristal.
Le soleil pénètre les ondes,
Et glissent les poissons en troupeau fluvial
Parmi des villes de cristal.
Une naïade ou Hylas avec une nymphe, par John William Waterhouse 1893 |
«Là, sur un
chatoyant oreiller, fait de sable,
Sous des roseaux impénétrables,
Dort un beau chevalier dans les flots immergé,
Un beau chevalier étranger.
Sous des roseaux impénétrables,
Dort un beau chevalier dans les flots immergé,
Un beau chevalier étranger.
Nous avons caressé
sa chevelure soyeuse
Au long des nuits mystérieuses,
Et sur ses yeux fermés, nous avons déposé
Parfois les plus tendres baisers.
Au long des nuits mystérieuses,
Et sur ses yeux fermés, nous avons déposé
Parfois les plus tendres baisers.
«Mais j'ignore
pourquoi nos si douces caresses
Ne peuvent chasser sa tristesse.
Sur mon cœur il se penche, et cet étrange amant
Ne respire pas en dormant...»
Ne peuvent chasser sa tristesse.
Sur mon cœur il se penche, et cet étrange amant
Ne respire pas en dormant...»
Ainsi, dans sa
langueur, d'une voix qui fascine
Au fil de l'eau chantait l'ondine.
Et le fleuve emportait comme un flottant mirage
Les reflets mouvants des nuages.
Au fil de l'eau chantait l'ondine.
Et le fleuve emportait comme un flottant mirage
Les reflets mouvants des nuages.
Pouchkine est mort
en duel à 38 ans, en 1837; quatre ans plus tard, Lermontov est mort en duel à
27 ans...
Etranges destinées!
Et qui ne sont pas sans rapport entre elles: à la
suite de son poème consacré à la mort de Pouchkine, Lermontov, jeune officier
de la Garde fut muté dans un régiment de ligne qui faisait la guerre au
Caucase. Quand il fut tué en duel lors de son deuxième exil au Caucase, empereur
Nikolas 1er aurait exprimé sa satisfaction et les amis et les connaissances du
poète en disgrâce se hâtèrent de détruire les lettres qu'il leur avait
adressées. Pendent des années le silence entoura la personne du célèbre poète..
Il grandit en
province, dans un riche domaine, choyé, gâté, mais seul: il devint rêveur. Il
perdit sa mère à l'âge de trois ans. Sa grand-mère le disputa à son père et se
l'appropria. Comme tous les enfants nobles dans la Russie de cette époque il
eut des précepteurs étrangers: le Français Cabet, survivant de la Grande Armée,
lui parlait de Napoléon, «l'Homme du destin», l'Anglais Wiston lui parlait de Byron.
Il passa par la «Pension Noble» où l'on développa ses dons artistiques: poésie,
musique, dessin.
L'inconnue © Ivan Kramskoï. 1883. |
Quand il entra, à seize ans, à l'Université de Moscou, il
avait tout lu. Il dominait les autres et les tenait à l'écart: il n'eut pas
d'amis.
Il s'inscrit
ensuite à l'Université de Moscou, en 1831 et 1832. Ses études s’y terminent
abruptement, peut-être en raison du rôle joué dans certains actes
d’insubordination vis-à-vis d'un enseignant autoritaire.
En 1832 sa
grand-mère s'installe à Pétersbourg. Lermontov la suit et rejoint l’école
des Cadets, d'où il sort cornette du régiment des hussards de la Garde
© Aleksander O Orlowski_Cosaques du fleuve Don 1810 |
C'est pendant cette période de sa vie qu'il compose ses premiers
poèmes, encore très inspirés par Pouchkine et Byron.
Le style
poétique de Lermontov ne tarde cependant pas à s’affranchir. Ceci se traduit
notamment par un changement de thèmes, comme dans La voile, où est
évoqué le bonheur atteint dans la lutte.
Jeune officier des
hussards installé à Tsarskoïe Selo, Lermontov mène une vie mondaine grâce
à l'argent que lui verse sa grand-mère.
Elle lui inspire un drame en vers, Le
bal masqué (1835-1836), puis un roman, qui reste inachevé, La
Princesse Ligovskoï
Art russe du XIX |
Un tournant
intervient dans la vie de Lermontov lorsqu'il exprime, en 1837, son désarroi à
l'annonce de la mort tragique de Pouchkine, dans un poème passionné adressé au
tsar Nicolas Ier La Mort de Pouchkine dénonce
les courtisans qui ont, selon Lermontov, provoqué le duel au cours duquel
Pouchkine avait perdu la vie.
Ces vers
proclament aussi que si la Russie ne punit pas les coupables, un second poète
ne lui sera pas donné... La Mort du poète vaut à Lermontov une
célébrité immédiate, ainsi que la sympathie des nombreux amis de Pouchkine,
comme le poète Vassili Joukovski ou Alexandra Smirnov, dame d'honneur
de l'impératrice.
Un asile de nuit © Vladimir Makovsky - 1889 |
.
Le poème en
hommage à Pouchkine
.
La mort du poète
Le poète est tombé, prisonnier de l'honneur ;
Tombé calomnié par l'ignoble rumeur,
Du plomb dans la poitrine, assoiffé de vengeance;
Sa tête est retombée en un mortel silence.
Hélas ! sous le poids des offenses,
L'aède élu s'est affaissé,
Comme avant, contre l'arrogance
Des préjugés, il s'est dressé.
Le choeur des louanges confuses
Est vain comme sont vains les pleurs
Et les pitoyables excuses.
Le sort a voulu ce malheur ...
Or, c'est vous qui, dès ses débuts,
Persécutiez son pur génie,
Pour en rire, attisant sans but
La flamme où couvait l'incendie.
Il n'endura pas le dernier
Cruel outrage à sa personne.
Son flambeau, hélas ! s'éteignait,
Flétrie son auguste couronne ...
Son meurtrier a froidement
Braqué sur lui l'arme fatale.
Un coeur vide bat calmement,
N'a pas tremblé la main brutale.
Quoi d'étonnant ? Venu d'ailleurs,
Il trouvait chez nous un refuge
Pour capter titres et bonheur.
Comme d'autres nombreux transfuges
Il raillait, en les méprisant,
La voix, l'esprit de notre terre;
Sa gloire, il ne la prisait guère,
Et dans ce funeste moment,
Ni lui, ni d'autres ne savaient
Sur qui sa main s'était levée (...)
Le poète est tombé, prisonnier de l'honneur ;
Tombé calomnié par l'ignoble rumeur,
Du plomb dans la poitrine, assoiffé de vengeance;
Sa tête est retombée en un mortel silence.
Hélas ! sous le poids des offenses,
L'aède élu s'est affaissé,
Comme avant, contre l'arrogance
Des préjugés, il s'est dressé.
Le choeur des louanges confuses
Est vain comme sont vains les pleurs
Et les pitoyables excuses.
Le sort a voulu ce malheur ...
Or, c'est vous qui, dès ses débuts,
Persécutiez son pur génie,
Pour en rire, attisant sans but
La flamme où couvait l'incendie.
Il n'endura pas le dernier
Cruel outrage à sa personne.
Son flambeau, hélas ! s'éteignait,
Flétrie son auguste couronne ...
Son meurtrier a froidement
Braqué sur lui l'arme fatale.
Un coeur vide bat calmement,
N'a pas tremblé la main brutale.
Quoi d'étonnant ? Venu d'ailleurs,
Il trouvait chez nous un refuge
Pour capter titres et bonheur.
Comme d'autres nombreux transfuges
Il raillait, en les méprisant,
La voix, l'esprit de notre terre;
Sa gloire, il ne la prisait guère,
Et dans ce funeste moment,
Ni lui, ni d'autres ne savaient
Sur qui sa main s'était levée (...)
.
Nicolas Ier,
cependant, trouve plus d’impertinence que d’inspiration dans cette adresse,
puisque Lermontov est aussitôt envoyé dans le Caucase comme officier des dragons.
"Barge - hauler sur la volga" © Ilya
Repine - 1870 - 73
|
Grâce à
l'intervention de sa grand-mère, Lermontov obtient de revenir à
Saint-Pétersbourg après six mois d'exil. En 1838 et 1839, il y savoure sa
gloire littéraire
Une fois de
plus, il s'en prend au grand monde, dans Nouvel An 1840.
Finalement, après un duel contre Ernest de Barante, fils de l’ambassadeur
de France, il est renvoyé dans le Caucase où il combat avec bravoure.
En 1841, Lermontov
obtient encore une permission de deux mois à Pétersbourg, avant de repartir
pour le Caucase, où il trouve bientôt la mort, lors d'un duel.
La traversée du Dniepr par Nikolaï Gogol, Ivanov, 1845 |
Les actes de
bravoure y ont alterné avec les farces de potache
Lermontov atteignit
la renommée littéraire en 1837, un poème dans lequel il eut l'audace de
transgresser l'officielle conspiration du silence autour de la mort de
Pouchkine, tué en duel par la balle d'Edmond d'Anthès.
Ce poème, la "Mort
du poète", devint très rapidement connu des lecteurs russes et des
autorités.
L'empereur Nikolas 1er se rangea à son avis et se disposa même a
déclarer le poète fou.. Puis, renonçant à cette intention, l'empereur ordonna
de transférer Lermontov en service actif dans le Caucase, où, depuis vingt ans
déjà, faisait rage une guerre sanglante et meurtrière contre les peuplades
montagnardes. Personne encore n'était entré ainsi dans la littérature russe,
doublement auréolé du prestige d'héritier poétique de Pouchkine et de celui de
criminel politique : la cornette hussarde, peu connue à Saint-Pétersbourg,
devint alors instantanément «connue de tous».
"
Le voilier"
© Cristoffer Whilelm Eckersberg |
Ce voilier tout
blanc, solitaire,
Qui dans le brouillard bleu s'enfuit
Qu’ a-t-il besoin d'une autre terre?
Qu'abandonna-t-il après lui?
Son mât sur l'onde vagabonde
S'incline et grince dans le vent
Hélas! point de bonheur au monde
Ni derrière lui ni devant
Pour le porter la mer est belle
Le soleil brille au firmament...
Mais lui réclame, le rebelle,
L'orage, cet apaisement.
1832
Qui dans le brouillard bleu s'enfuit
Qu’ a-t-il besoin d'une autre terre?
Qu'abandonna-t-il après lui?
Son mât sur l'onde vagabonde
S'incline et grince dans le vent
Hélas! point de bonheur au monde
Ni derrière lui ni devant
Pour le porter la mer est belle
Le soleil brille au firmament...
Mais lui réclame, le rebelle,
L'orage, cet apaisement.
1832
«Peut-être mourrai-je demain? Il ne
restera sur la terre aucun être qui m'ait compris parfaitement. Les uns
m'estiment pire, les autres meilleur que je ne suis en réalité. Les derniers
diront : c'était un brave garçon ; les premiers : un mauvais garnement. Les uns
et les autres se tromperont...»
M.Lermontov "Un héros de notre
temps"
Portrait de
l'écrivain Léon Tolstoï © Nikolaï Ge - 1884
|
Art russe au temps de Gogol et Pouchkine
Viktor Mikhailovic Vasnetsov
Viktor Mikhaïlovitch Vasnetsov
Né le 15 mai 1848 à Lopial près de Viatka, mort le 23 juillet 1926 à Moscou
Né le 15 mai 1848 à Lopial près de Viatka, mort le 23 juillet 1926 à Moscou
Un artiste russe qui se
spécialisa dans les représentations mythologiques et historiques. Il est
considéré comme l'un des peintres les plus influents de l'art russe de la fin
du XIXe et du début du XXe siècle.
Son père Mikhail Vassilievitch Vasnetsov était prêtre dans le village de Viatka. C'était un homme instruit, s'intéressant aux sciences, à la philosophie et à la peinture. Son propre père était un peintre d'icône. Deux de ses fils, Victor et Apollinaire, devinrent d'excellents peintres, le troisième devenant instituteur.
À partir de dix ans, Viktor commença à étudier dans un séminaire orthodoxe de Viatka.
Pendant ces années, il travailla pour un marchand d'icônes local.
Il aida aussi un artiste polonais exilé, Michał Elwiro Andriolli, à exécuter
les fresques de la cathédrale Alexandre Nevski de Viatka.
Viktor Mikhailovic Vasnetsov |
En août 1867, il est accepté à l'académie impériale des beaux-arts.
Trois ans plus tard, le mouvement dit « Peredvijniki » (les
"Ambulants") des peintres réalistes se rebella contre l'Académisme.
Vasnetsov rencontra et se lia d'amitié avec son meneur, Ivan Kramskoï, qu'il
considérait comme un maître. Il devint aussi très proche de son compagnon
d'étude Ilya Repine.
À ses débuts, alors qu'il est aujourd'hui connu pour ses peintures historiques et mythologiques, il essayait d'éviter ces sujets à tout prix. L'Académie le gratifia d'une petite médaille d'argent pour Le Christ et Ponce Pilate devant le peuple
À ses débuts, alors qu'il est aujourd'hui connu pour ses peintures historiques et mythologiques, il essayait d'éviter ces sujets à tout prix. L'Académie le gratifia d'une petite médaille d'argent pour Le Christ et Ponce Pilate devant le peuple
Viktor Mikhailovich Vasnetsov The Birds of Joy and Sorrow |
Au début des années 1870, il exécuta un grand nombre de gravures illustrant la
vie contemporaine.
Deux (le vendeur de livres 1870 le garçon avec la bouteille de vodka 1872) lui
valurent une médaille de bronze à l'Exposition universelle de Londres en 1874.
En 1876, Repine invita Vasnetsov à rejoindre la colonie des « Ambulants » à Paris.
En 1876, Repine invita Vasnetsov à rejoindre la colonie des « Ambulants » à Paris.
Pendant cette vie en France, il put étudier les peintures
classiques et contemporaines, tant académiques qu'impressionnistes. Il peignit
alors Les Acrobates (1877), et exposa certaines de ses œuvres au Salon.
C'est à ce moment qu'il devint fasciné par les sujets
mythologiques et les contes et commença à travailler sur Le Tsarévitch Ivan
montant un loup gris et l'Oiseau de feu.
the four horsemen of the apocalypse Victor Mikhailovich Vasnetsov |
Il rentra à Moscou en 1877.
À la fin des années 1870, Vasnetsov se consacra à l'illustration des contes russes et des bylines, ce qui donna naissance à certaines de ses œuvres les plus célèbres
À la fin des années 1870, Vasnetsov se consacra à l'illustration des contes russes et des bylines, ce qui donna naissance à certaines de ses œuvres les plus célèbres
© Victor Mikhailovich Vasnetsov "Moving House", 1876 |
Son travail conjoint avec Vassili Polenov sur une église d'Abramtsevo
(1882) fut acclamé. Il dessina les plans de sa propre demeure à Moscou en 1894,
puis du Pavillon Russe à l'Exposition Universelle de Paris en 1898. Enfin, en
1904, Vasnetsov créa son bâtiment le plus célèbre, la Galerie Tretiakov.
Entre 1906 et 1911, Vasnetsov travailla sur les mosaïques de la cathédrale
Alexandre Nevski de Varsovie. En 1912, Vasnetsov reçut un titre de noblesse du
Tsar Nicolas II.
Il est enterré au cimetière Tikhvine de Saint-Pétersbourg
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© Viktor Mikhailovich Vasnetsov - Wise Oleg |