mercredi 16 mai 2012

Michel Lermontov


Michel Lermontov 1814-1841


 L’Ondine  

© John William Waterhouse Ondine
 

Une ondine nageait au fil d'une rivière
Scintillant de clarté lunaire,
Et tentait de lancer à la lune d'argent
L'écume légère en jouant.

Le courant emportait comme un flottant mirage
Les reflets mouvants des nuages ;
Et l'ondine chantait, et les mots de son chant
Volaient sur les rocs dans le vent.

Elle disait : «Là-bas, sur nos plages profondes,
Le soleil pénètre les ondes,
Et glissent les poissons en troupeau fluvial
Parmi des villes de cristal.

Une naïade ou Hylas avec une nymphe, par John William Waterhouse 1893
«Là, sur un chatoyant oreiller, fait de sable,
Sous des roseaux impénétrables,
Dort un beau chevalier dans les flots immergé,
Un beau chevalier étranger.

Nous avons caressé sa chevelure soyeuse
Au long des nuits mystérieuses,
Et sur ses yeux fermés, nous avons déposé
Parfois les plus tendres baisers.

«Mais j'ignore pourquoi nos si douces caresses
Ne peuvent chasser sa tristesse.
Sur mon cœur il se penche, et cet étrange amant
Ne respire pas en dormant...»

Ainsi, dans sa langueur, d'une voix qui fascine
Au fil de l'eau chantait l'ondine.
Et le fleuve emportait comme un flottant mirage
Les reflets mouvants des nuages.


 
Pouchkine est mort en duel à 38 ans, en 1837; quatre ans plus tard, Lermontov est mort en duel à 27 ans... 
Etranges destinées! 
Et qui ne sont pas sans rapport entre elles: à la suite de son poème consacré à la mort de Pouchkine, Lermontov, jeune officier de la Garde fut muté dans un régiment de ligne qui faisait la guerre au Caucase. Quand il fut tué en duel lors de son deuxième exil au Caucase, empereur Nikolas 1er aurait exprimé sa satisfaction et les amis et les connaissances du poète en disgrâce se hâtèrent de détruire les lettres qu'il leur avait adressées. Pendent des années le silence entoura la personne du célèbre poète..


Il grandit en province, dans un riche domaine, choyé, gâté, mais seul: il devint rêveur. Il perdit sa mère à l'âge de trois ans. Sa grand-mère le disputa à son père et se l'appropria. Comme tous les enfants nobles dans la Russie de cette époque il eut des précepteurs étrangers: le Français Cabet, survivant de la Grande Armée, lui parlait de Napoléon, «l'Homme du destin», l'Anglais Wiston lui parlait de Byron. Il passa par la «Pension Noble» où l'on développa ses dons artistiques: poésie, musique, dessin. 


L'inconnue © Ivan Kramskoï. 1883.

Quand il entra, à seize ans, à l'Université de Moscou, il avait tout lu. Il dominait les autres et les tenait à l'écart: il n'eut pas d'amis.
 Il s'inscrit ensuite à l'Université de Moscou, en 1831 et 1832. Ses études s’y terminent abruptement, peut-être en raison du rôle joué dans certains actes d’insubordination vis-à-vis d'un enseignant autoritaire.
En 1832 sa grand-mère s'installe à Pétersbourg. Lermontov la suit et rejoint l’école des Cadets, d'où il sort cornette du régiment des hussards de la Garde

© Aleksander O Orlowski_Cosaques du fleuve Don 1810

C'est pendant cette période de sa vie qu'il compose ses premiers poèmes, encore très inspirés par Pouchkine et Byron. 
Le style poétique de Lermontov ne tarde cependant pas à s’affranchir. Ceci se traduit notamment par un changement de thèmes, comme dans La voile, où est évoqué le bonheur atteint dans la lutte.
Jeune officier des hussards installé à Tsarskoïe Selo, Lermontov mène une vie mondaine grâce à l'argent que lui verse sa grand-mère. 
Elle lui inspire un drame en vers, Le bal masqué (1835-1836), puis un roman, qui reste inachevé, La Princesse Ligovskoï

Art russe du XIX

Un tournant intervient dans la vie de Lermontov lorsqu'il exprime, en 1837, son désarroi à l'annonce de la mort tragique de Pouchkine, dans un poème passionné adressé au tsar  Nicolas Ier La Mort de Pouchkine dénonce les courtisans qui ont, selon Lermontov, provoqué le duel au cours duquel Pouchkine avait perdu la vie.
Ces vers proclament aussi que si la Russie ne punit pas les coupables, un second poète ne lui sera pas donné... La Mort du poète vaut à Lermontov une célébrité immédiate, ainsi que la sympathie des nombreux amis de Pouchkine, comme le poète Vassili Joukovski ou Alexandra Smirnov, dame d'honneur de l'impératrice.

Un asile de nuit © Vladimir Makovsky - 1889

 .
Le poème en hommage à Pouchkine
 .
La mort du poète


Le poète est tombé, prisonnier de l'honneur ;
Tombé calomnié par l'ignoble rumeur,
Du plomb dans la poitrine, assoiffé de vengeance;
Sa tête est retombée en un mortel silence.
Hélas ! sous le poids des offenses,
L'aède élu s'est affaissé,
Comme avant, contre l'arrogance
Des préjugés, il s'est dressé.
Le choeur des louanges confuses
Est vain comme sont vains les pleurs
Et les pitoyables excuses.
Le sort a voulu ce malheur ...
Or, c'est vous qui, dès ses débuts,
Persécutiez son pur génie,
Pour en rire, attisant sans but
La flamme où couvait l'incendie.
Il n'endura pas le dernier
Cruel outrage à sa personne.
Son flambeau, hélas ! s'éteignait,
Flétrie son auguste couronne ...
Son meurtrier a froidement
Braqué sur lui l'arme fatale.
Un coeur vide bat calmement,
N'a pas tremblé la main brutale.
Quoi d'étonnant ? Venu d'ailleurs,
Il trouvait chez nous un refuge
Pour capter titres et bonheur.
Comme d'autres nombreux transfuges
Il raillait, en les méprisant,
La voix, l'esprit de notre terre;
Sa gloire, il ne la prisait guère,
Et dans ce funeste moment,
Ni lui, ni d'autres ne savaient
Sur qui sa main s'était levée (...)
.
Nicolas Ier, cependant, trouve plus d’impertinence que d’inspiration dans cette adresse, puisque Lermontov est aussitôt envoyé dans le Caucase comme officier des dragons.

"Barge - hauler sur la volga"  © Ilya Repine - 1870 - 73

Grâce à l'intervention de sa grand-mère, Lermontov obtient de revenir à Saint-Pétersbourg après six mois d'exil. En 1838 et 1839, il y savoure sa gloire littéraire
 Une fois de plus, il s'en prend au grand monde, dans Nouvel An 1840. Finalement, après un duel contre Ernest de Barante, fils de l’ambassadeur de France, il est renvoyé dans le Caucase où il combat avec bravoure.
En 1841, Lermontov obtient encore une permission de deux mois à Pétersbourg, avant de repartir pour le Caucase, où il trouve bientôt la mort, lors d'un duel.

La traversée du Dniepr par Nikolaï Gogol,  Ivanov, 1845


Les actes de bravoure y ont alterné avec les farces de potache
Lermontov atteignit la renommée littéraire en 1837, un poème dans lequel il eut l'audace de transgresser l'officielle conspiration du silence autour de la mort de Pouchkine, tué en duel par la balle d'Edmond d'Anthès. 
Ce poème, la "Mort du poète", devint très rapidement connu des lecteurs russes et des autorités. 

L'empereur Nikolas 1er se rangea à son avis et se disposa même a déclarer le poète fou.. Puis, renonçant à cette intention, l'empereur ordonna de transférer Lermontov en service actif dans le Caucase, où, depuis vingt ans déjà, faisait rage une guerre sanglante et meurtrière contre les peuplades montagnardes. Personne encore n'était entré ainsi dans la littérature russe, doublement auréolé du prestige d'héritier poétique de Pouchkine et de celui de criminel politique : la cornette hussarde, peu connue à Saint-Pétersbourg, devint alors instantanément «connue de tous».

 
" Le voilier" 

©  Cristoffer Whilelm Eckersberg  
 
Ce voilier tout blanc, solitaire,
Qui dans le brouillard bleu s'enfuit
Qu’ a-t-il besoin d'une autre terre?
Qu'abandonna-t-il après lui?

Son mât sur l'onde vagabonde
S'incline et grince dans le vent
Hélas! point de bonheur au monde
Ni derrière lui ni devant

Pour le porter la mer est belle
Le soleil brille au firmament...
Mais lui réclame, le rebelle,
L'orage, cet apaisement.

1832

 
«Peut-être mourrai-je demain? Il ne restera sur la terre aucun être qui m'ait compris parfaitement. Les uns m'estiment pire, les autres meilleur que je ne suis en réalité. Les derniers diront : c'était un brave garçon ; les premiers : un mauvais garnement. Les uns et les autres se tromperont...»
M.Lermontov "Un héros de notre temps"




Portrait de l'écrivain Léon Tolstoï  © Nikolaï Ge - 1884
 
Art russe au temps de Gogol et Pouchkine


Viktor Mikhailovic Vasnetsov



 
Viktor Mikhaïlovitch Vasnetsov
Né le 15 mai 1848 à Lopial près de Viatka, mort le 23 juillet 1926 à Moscou
Un  artiste russe qui se spécialisa dans les représentations mythologiques et historiques. Il est considéré comme l'un des peintres les plus influents de l'art russe de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.

Son père Mikhail Vassilievitch Vasnetsov était prêtre dans le village de Viatka. C'était un homme instruit, s'intéressant aux sciences, à la philosophie et à la peinture. Son propre père était un peintre d'icône. Deux de ses fils, Victor et Apollinaire, devinrent d'excellents peintres, le troisième devenant instituteur.
À partir de dix ans, Viktor commença à étudier dans un séminaire orthodoxe de Viatka.
Pendant ces années, il travailla pour un marchand d'icônes local. Il aida aussi un artiste polonais exilé, Michał Elwiro Andriolli, à exécuter les fresques de la cathédrale Alexandre Nevski de Viatka.

Viktor Mikhailovic Vasnetsov

En août 1867, il est accepté à l'académie impériale des beaux-arts.
Trois ans plus tard, le mouvement dit « Peredvijniki » (les "Ambulants") des peintres réalistes se rebella contre l'Académisme. Vasnetsov rencontra et se lia d'amitié avec son meneur, Ivan Kramskoï, qu'il considérait comme un maître. Il devint aussi très proche de son compagnon d'étude Ilya Repine.
À ses débuts, alors qu'il est aujourd'hui connu pour ses peintures historiques et mythologiques, il essayait d'éviter ces sujets à tout prix. L'Académie le gratifia d'une petite médaille d'argent pour Le Christ et Ponce Pilate devant le peuple
 
Viktor Mikhailovich Vasnetsov The Birds of Joy and Sorrow


Au début des années 1870, il exécuta un grand nombre de gravures illustrant la vie contemporaine.
Deux (le vendeur de livres 1870  le garçon avec la bouteille de vodka 1872) lui valurent une médaille de bronze à l'Exposition universelle de Londres en 1874.
En 1876, Repine invita Vasnetsov à rejoindre la colonie des « Ambulants » à Paris.
Pendant cette vie en France, il put étudier les peintures classiques et contemporaines, tant académiques qu'impressionnistes. Il peignit alors Les Acrobates (1877), et exposa certaines de ses œuvres au Salon.
C'est à ce moment qu'il devint fasciné par les sujets mythologiques et les contes et commença à travailler sur Le Tsarévitch Ivan montant un loup gris et l'Oiseau de feu. 

the four horsemen of the apocalypse Victor Mikhailovich Vasnetsov

Il rentra à Moscou en 1877.
À la fin des années 1870, Vasnetsov se consacra à l'illustration des contes russes et des bylines, ce qui donna naissance à certaines de ses œuvres les plus célèbres

© Victor Mikhailovich Vasnetsov  "Moving House", 1876


 Son travail conjoint avec Vassili Polenov sur une église d'Abramtsevo (1882) fut acclamé. Il dessina les plans de sa propre demeure à Moscou en 1894, puis du Pavillon Russe à l'Exposition Universelle de Paris en 1898. Enfin, en 1904, Vasnetsov créa son bâtiment le plus célèbre, la Galerie Tretiakov.
 
Entre 1906 et 1911, Vasnetsov travailla sur les mosaïques de la cathédrale Alexandre Nevski de Varsovie. En 1912, Vasnetsov reçut un titre de noblesse du Tsar Nicolas II.
 
Il est enterré au cimetière Tikhvine de Saint-Pétersbourg


© Viktor Mikhailovich Vasnetsov  - Wise Oleg




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